dimanche 22 janvier 2017

Antonio Tajani, président mal élu

Antonio Tajani, président mal élu

Source : Dernière Nouvelles d’Alsace, Anne-Camille Beckelynck, 18/01/2017

Quatre tours, 12 heures de scrutin, des alliances en forme de retournement de veste, des rumeurs de marchandages plein les couloirs : l'élection du président du Parlement hier a été une farce qui n'honore ni l'institution ni le vainqueur final, l'Italien Antonio Tajani.

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Strasbourg.- Parlement européen

Comme le sourire du chat invisible d'« Alice au pays des merveilles », le fantôme assurément rigolard de Silvio Berlusconi flottait hier sur le Parlement européen. Le Cavaliere, seul point commun entre le président sortant, Martin Schulz, et son successeur Antonio Tajani. Schulz doit sa notoriété à une insulte proférée à son encontre par le Premier ministre italien : en 2003, reçu au Parlement européen, il lui avait dit qu'il le verrait bien dans un rôle de kapo de camp de concentration…

Hier, retournement de l'histoire au parfum de revanche berlusconienne : c'est un fidèle du Cavaliere qui est monté au perchoir. Antonio Tajani, qui a fondé avec lui le parti Forza Italia, a aussi été son porte-parole avant d'être nommé commissaire européen – toujours par le même Berlusconi.

C'est surtout pour ces anciennes fonctions bruxelloises que l'Italien, devenu eurodéputé en 2014, est contesté au Parlement européen. La gauche (les verts en premier) lui reproche en particulier son inaction sur le « Dieselgate », le dossier des moteurs truqués.

Malgré ces réticences notoires, son groupe politique l'a choisi comme son candidat en décembre, lors d'un scrutin interne auquel participaient trois autres candidats pourtant plus consensuels.

Cuisine politicienne

L'élection d'Antonio Tajani hier restera comme le souvenir d'une longue, très longue journée qui a vu se dérouler pas moins de quatre tours de scrutin. Les six candidats en lice se sont maintenus jusqu'au troisième. Un seul avait fait défection avant même l'ouverture des urnes : le libéral Guy Ver-hofstadt.

L'ancien Premier ministre belge qui, il y a 10 jours, appelait la gauche à s'unir derrière lui pour faire barrage à Tajani, a fini par conclure un accord avec lui. Et ce dernier, voyant cette alliance avec sa gauche insuffisante en nombre de voix pour l'emporter, a ensuite passé une partie de la journée à faire des appels du pied aux eurosceptiques du groupe ECR à sa droite.

Dans le même temps, les sociaux-démocrates appelaient au rassemblement de la gauche. Pour séduire des eurosceptiques décidément très courtisés, celle-ci promettait que si son candidat, Gianni Pittella, était élu, elle ferait en sorte que Guy Verhofstadt soit démis de son mandat de négociateur du Brexit. Vaine tentative : soutenu par ECR, Tajani l'a emporté au quatrième tour à la majorité simple, par 351 voix (il en avait 291 au 3e tour face à cinq candidats) contre 282 pour Pittella, avec seulement 633 votes exprimés sur 713 élus présents.

Un président mal élu et redevable des eurosceptiques ; une « grande coalition », seule capable jusqu'ici d'assurer la stabilité des majorités, détruite ; un chef de groupe libéral et négociateur du Brexit désormais privé de toute crédibilité : le Parlement européen sort de cette élection avec des perspectives plus que floues et une image ternie. Il ne devait pas être le seul à rire, hier, Silvio Berlusconi.

Source : Dernière Nouvelles d’Alsace, Anne-Camille Beckelynck, 18/01/2017

URL: http://www.les-crises.fr/antonio-tajani-president-mal-elu/

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