vendredi 7 avril 2017

[Les Décodeurs] L’Orwellisation du Journalisme 3/4 : Pourquoi le Décodex n’est pas une source fiable

[Les Décodeurs] L'Orwellisation du Journalisme 3/4 : Pourquoi le Décodex n'est pas une source fiable

Poursuivant notre série de conclusion sur les Décodeurs, il est temps de faire un bilan du Décodex avec deux mois de recul – en commençant par une réflexion sur les “Fake News”.
On illustrera ce sujet avec cette citation du regretté Tzvetan Todorov, récemment disparu : “Pour moi, la tentation du Mal n'existe presque pas, elle est très marginale à mes yeux. Il existe sans doute quelques marginaux ici et là qui veulent conclure un pacte avec le diable et faire régner le Mal sur la Terre, mais de ce point de vue je reste plutôt disciple de Grossman, pour qui le Mal vient essentiellement de ceux qui veulent imposer le Bien aux autres. La tentation du Bien me semble donc beaucoup plus dangereuse que la tentation du Mal.” (Lire ici)

C’est l’avant-dernier billet sur les Décodeurs 🙂

I. Les “Fake news” : un danger instrumentalisé, minime par rapport aux “No News” des grands médias

Commençons par souligner brièvement l’instrumentalisation régulière du problème des “fake news”, entendues comme “propagande manipulatrice”. Cela semble un sujet central depuis désormais cinq mois, sans qu’ait été démontrée le moins du monde leur influence réelle.

Les médias semblent ainsi totalement désorientés par la perte de leur monopole. Donc oui, on peut lire n’importe quoi sur les réseaux sociaux, qui amplifient plus ou moins certaines rumeurs. C’est évidemment ennuyeux, mais en quoi est-ce un problème aussi central ? La plupart des rumeurs sont généralement corrigées assez rapidement, ne touchent pas tant de personnes que ça et prêtent finalement peu à conséquence.

Prenons un exemple, qui devient vraiment problématique : la propagande en cours visant à persuader la population que des puissances étrangères pourraient “pirater une élection”. Or propager une telle idée fait courir le risque que la population perde confiance à terme dans nos institutions et dans la solidité de notre système démocratique.

Comment faire croire aux enfants qu’on pourrait “pirater” une élection ! (Source)

Pourtant, on se rend bien compte de l’absurdité de la chose. Il n’y a que certaines “élites” pour penser vraiment ceci, qui implique que les gens sont des abrutis, qui votent n’importe comment dès qu’ils entendent trois rumeurs délirantes. D’ailleurs, quelques travaux universitaires ont montré que, bien évidemment, ces quelques rumeurs avaient bien moins d’influence que les médias traditionnels – qui sont par ailleurs bien loin d’être neutres dans le jeu politique (Source) :

On a dans cette étude ce très intéressant comparatif sur les “théories du complot” :

On remarque qu’en général 70 % du public n’adhèrent pas aux “théories du complot”.

Ainsi, certaines peuvent toutefois toucher de 15 % à 25 % de la population, mais il est aussi à noter qu’on entre dans certains de ces cas sur des points plus discutés, plus complexes, plus durs à interpréter, tant au niveau de la société que même parfois par certains historiens. Si pour Bob Kennedy, ministre de la Justice, l’assassinat de Kennedy était un complot et que John Kerry n’est pas sûr qu’on sache tout (même si plein de gens ayant étudié le dossier n’ont pas de doute), pourquoi une partie du public n’aurait-elle pas elle aussi des doutes ? Et finalement, si connaître la vérité est évidemment fondamental, ces opinions divergentes sont-elles si importantes que ça en 2017 ? Ces polémiques stériles (et bien limitées en nombre !) ne détournent-elles pas l’opinion de sujets contemporains bien plus importants (Ukraine, Syrie…) ?

Plus important, on voit bien que 90 à 95 % des gens sont immunisés contre les théories les plus délirantes. Ce n’est pas rien, mais cela reste une proportion bien faible. Et il n’y a que dans des sociétés totalitaires où on veut que 100 % de la population pensent la même chose sur tous les sujets.

Ce qui est assez fascinant, c’est cette passion actuelle pour “ce que pensent les fous” – qui est désormais pris comme quelque chose de sérieux devant être “observé” et analysé. Ceci est même présenté comme un danger pour nos sociétés, qui nécessite d’être contré par toujours plus de contrôle et de sanctions. Pourtant, s’il faut évidemment veiller à ce que des visions potentiellement erronées cela ne se répandent pas trop, il suffit aux médias mais aussi des citoyens d’y veiller.

Et enfin, on entre aussi ici dans la liberté d’opinion : après tout, on a heureusement le droit de croire à des choses fausses, car on a heureusement le droit d’avoir tort et même de s’entêter sans raison objective – l’être humain n’est pas toujours rationnel.

Et dans tous les cas, ces “fake news” ont des conséquences bien plus faibles que les “no news” de nos grands médias – à savoir toutes les informations importantes qui n’y sont pas développées à leur juste importance.

 

Mais revenons sur le sujet du “piratage de sélections” ; on a vu ces dernières semaines que ce sujet se répandait désormais en France :

Comment faire croire aux adultes qu’on pourrait “pirater” leur élection ! (Source)

Et ce alors que les plus grands spécialistes mondiaux rappellent une évidence (Source) :

Pourtant, la paranoïa envers la Russie (qui n’est certes sans doute pas totalement blanche…) semble devenir la règle (Source) :

Des preuves solides peut-être ?

Alors qu’en l’espèce, Emmanuel Macron, tout comme François Hollande, est un Young Leader de la French American Foundation – donc on peut se demander qui de la Russie et des États-Unis influence le plus notre élection…

Plus largement, l’instrumentalisation de la peur des “fake news” se répand également (Sources ici et ) :

et touche même l'International (Source) :

On terminera par une réflexion sur cette phrase centrale de cet article de la BBC : “Plus il y a d’informations, plus les dangers de manipulation, de distorsion et de fraude augmentent.” On voit à quel point c’est une sorte de “pétition de principe”, une affirmation présentée comme une évidence, mais qui ne l’est en réalité pas du tout. Car s’il y a plus d’informations, il y a évidemment plus de bêtises, mais aussi plus de choses vraies, plus de moyens de discuter en commun l’information qu’elle vienne des bas-fonds d’Internet que des grands médias… On pourrait donc aussi défendre le fait que les risques de manipulation baissent…

Et quel est le but de tout ça, si ce n’est le but que les grands médias récupèrent leur monopole sur Internet au détriment de la diversité d’information ?

II. Le Décodex, un “outil” hautement discutable sur le principe

Baignant en plein dans cette paranoïa générale, les Décodeurs ont choisi des mots très durs pour parler du sujet, et n’hésitent pas à parler de la “Guerre” (Source)

On a vu dans cette vidéo d’@si, Samuel Laurent déclarer que “l'urgence, c'est les fake news", "parce que vous avez vu ce qui s'est passé aux États-Unis, vous avez vu ce qui s'est passé en Angleterre ?" :

Elle est consultable ici (vous pouvez la voir en prenant un abonnement à 1 € pour le mois, pour tester tout le site).

On connaît leur réponse, ce sera donc le “Décodex”. Il est intéressant de voir comment ils l’ont présenté au fil du temps. (Sources : ici, ici et )

Il a d’abord été vendu comme un “outil de vérification de l’information” le 23 janvier :

Puis le 2 février :

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Puis, plus sérieusement, le 9 février c’était un “outil de vérification de la fiabilité des sources” :

Ils mettent sans arrêt en avant le fait que leur Décodex se décline en plusieurs versions (site internet, extension Chrome…) :

Mais en réalité, le Décodex n’est tout simplement qu’une liste de sites que le Monde juge non fiables.

III. Une liste fondée sur des principes très peu clairs

Voici ce qu’annonce le Monde (autres sources : ici, ici, et ) :

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La “promesse” du Décodex dans le nom même de la fenêtre du site

On observe aisément dans les explications des Décodeurs, qu’il n’y pas réellement de méthodologie un tant soit peu scientifique, autrement dit reproductible.

Cela fait apparaître plusieurs problèmes.

Le premier est le fait de figurer ou non dans le Décodex. Les-Crises y figure, comme Les Éconoclastes, le Blog de Jacques Sapir ou le site des Contribuables associés. Mais ne figure pas dedans plein de blogs, comme ceux de BHL ou de Caroline Fourest par exemple, mais aussi de tant d’autres mainstream.

Le deuxième est qu’il n’y a pas non plus de définition claire de la “fiabilité” d’un site. Car le problème est qu’on peut évidemment trouver de fausses informations dans les grands médias, y compris Le Monde. Prenons 4 exemples (Sources : ici, ici, ici et ) :

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À ce sujet, Samuel Laurent a toujours la même réponse : les “grands médias” ne veulent jamais tromper sciemment, ils se “trompent”, tout simplement (ce qui est hautement discutable pour les exemples 2 et 4 précédents) :

Cela signifie donc quelque chose de très grave : M. Laurent estime donc avoir la preuve que les sites qu’il pastille en rouge et orange sont des sites qui non seulement diffusent “régulièrement” des fausses informations, mais en plus qu’ils savent que les informations sont fausses, et qu’ils le font donc sciemment pour tromper le public. Du lourd donc – bon courage pour le prouver…

D’autant qu’il apporte d’intéressantes précisions, qui confirme ceci. Ici, il répond à un site visé par le Décodex :

Les choses semblent ainsi assez claires :

  • les médias mainstream sont en vert, ou neutres désormais : aucun problème, ils se trompent juste sans faire exprès – eux !
  • les blogueurs, les petits sites, n’ont pas “les moyens d’une rédaction en matière de vérification” : DONC Samuel Laurent s’autorise à dire qu’ils diffusent des informations “sans toujours les vérifier”. Mais avec ça, on peut donc éviter la couleur orange ;
  • et puis il y a les sites orange et rouges, qui eux, en plus, diffusent donc sciemment “de fausses informations” ou “sont régulièrement imprécis”, ou “reprennent des informations sans vérification”. Ce dernier point étant étonnant par rapport au point précédent, avec la maxime décodienne “aucun blogueur ne peut donc vérifier toutes ses informations”


Pour finir d’embrouiller la chose, on a aussi cet important tweet suite au passage de ce site de rouge à orange :

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Ainsi, “tous les blogueurs” seraient donc en orange, sans raison de se plaindre de leur étiquette de “peu fiable” :

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Ah pardon, non en fait :

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On voit donc le manque de cohérence dans les propos – et ce n’est pas tout :

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Al Kanz s’en était déjà ému en février :

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Par chance, “Le Monde” n’est en rien militant…

Je citerais enfin Conspiracy Watch, blog de Rudy Reichstadt qui vient d’intégrer le Décodex – en couleur “neutre” :

et ce alors qu’il lui arrive de diffuser des diffamations voire des fake news, à propos des sites qu’il n’aime pas – comme celle-ci :


Ce qui est totalement faux en ce qui me concerne.

Mais cela importe peu Samuel Laurent qui défend bec et ongles M. Reichstadt au mépris des faits :

Le fait que M. Reichstadt ait publié pas loin d’une centaine d’articles de P.A. Taguieff, auteur star de Dreuz, classé rouge par le Décodex ne le gêne pas ; la culpabilité par association ne marche que pour les autres, bien entendu.

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Peut-être parce qu’il fait partie de son cercle amical sur Facebook (600 amis), je n’en sais rien :

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Cercle intéressant au demeurant :

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Une dernière illustration : le site Buzzpol propose une mesure du “buzz” des candidats. Ce site précise très clairement que ce n’est pas un sondage classique. Cependant, après les succès sondagiers du Brexit, de Trump et de Fillon, il n’est sans doute pas inintéressant de disposer d’autres mesures – à prendre évidemment avec recul. Eh bien, non, ça déplaît aux Décodeurs (d’autant que ça donne Fillon devant Macron), d’où article pour taper dessus, et classiquement, intégration dans le Décodex en orange car des gens s’en servent pour faire croire que ce sont des vrais sondages :

Samuel Laurent a décidément des avis sur tout – sans connaître le détail des calculs, bien sûr.

 

En tout cas, il semble bien que M. Samuel Laurent  :

  • explique urbi et orbi que le classement orange est un indicateur de manque de fiabilité – comme la couleur l’indique ;
  • mais qu’il ne l’applique qu’à fort peu de blogs, donc un certain nombre ont critiqué Les Décodeurs ou Le Monde. On trouve en effet des blogs en “neutre” ;
  • explique alors aux sites classés en orange (généralement pour “militantisme” ou pour “profonds désaccords”) pour éviter les critiques que le orange n’est pas grave, et même qu’il est parfaitement normal vu que ce sont des blogs ou des sites sans rédaction…

Chacun jugera…

Dernier point : notez au passage la vision sociale de l’équipe – qui pense que c’est un outil pour ceux qui ont fait peu d’études et qu’il faut protéger du méchant Internet :

samuel-laurent

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Alors que, quand on connaît un peu le sujet de la propagande – et je l’ai bien observé -, il est évident que ces personnes “surdiplomées” ont régulièrement moins d’esprit critique que les autres…

“La manipulation des élites est encore plus facile que celle des masses.” [Jean Yanne]

IV. Des changements réguliers, à la tête du client

On écoutera avec attention ce court passage de Samuel Laurent :

Le cas de Valeurs actuelles est ainsi intéressant, car, malgré ce qui vient d’être dit, il a été classé en vert au démarrage du Décodex, après mûre réflexion :

Pourtant il ne l’est plus – désormais il est orange :

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On voit bien que les explications ne sont pas convaincantes, et qu’ici c’est bien l’orientation idéologique qui est sanctionnée.

On pourrait rapprocher l’exemple cité par Samuel Laurent sur Valeurs actuelles de celui du tout récent scandale de la fabrication par France 2 du “Café réservé aux femmes” qui vient d’être démonté.

Le patron du bar a d’ailleurs porté plainte contre France 2 pour… :

Étrangement, France 2 n’est toujours pas orange dans le Décodex…

 

Fakir qui était orange est désormais neutre.

Les-Crises qui était rouge est devenu orange “comme tous les blogueurs – ou presque” donc

La Chronique Agora est passée de rouge à neutre.

Et bien entendu le fameux Doctissimo passé d’orange à vert – le jour où ce site a signé un accord avec le Monde… (c’est du hasard paraît-il)

Etc.

Le manque de soin apporté à la protection de la réputation d’autrui est assez incroyable.

Et même ceux qui n’ont pas changé de couleur restent problématiques – comme nous l’avons longuement analysé dans ce billet.

 

Bref, on voit bien que le problème ce n’est pas tellement les “fake news”, mais plus une forme de “fake journalisme”, qui est un “true militantisme”…

V. Nouveauté : le casier judiciaire de la pensée

Il y a une autre chose formidable : la création par les Décodeurs d’un véritable “casier judiciaire de la pensée”. Je m’explique.

Quand ils ont classé ce site en rouge, ils l’ont justifié avec cette source unique :

Qui était la grosse Fake news de Bruno Zeni que nous avons démontée ici (ce qui a été confirmé par Arrêts sur Images).

Mais c’est donc sans changer la source qu’ils ont classé ce site orange :

Comme ça faisait tache, ils ont fini par rajouter un lien vers leur article erroné sur Alep où il me prêtaient scandaleusement de sinistres intentions alors que je faisais un simple fact-checking – ce qui m’a obligé à faire un Droit de Réponse (qui est en ligne ici) :

À aucun moment ils n’ont supprimé le lien vers l'article Bruno Zéni alors qu’il avait été démontré comme étant lourdement erroné.

Le 16 mars, à la 2e version du Décodex, ils en ont profité pour planquer leur grosse erreur, en supprimant le lien vers Zéni, mais sans prévenir le lecteur, et encore moins s’excuser :

Ils l’ont remplacé par une liste erronée d’articles du blog…

Pas grave, dès le 17 mars, ils ajoutent un lien vers leur article Intox prétendant que j’avais supprimé des articles dont beaucoup n’ont jamais existé… Le tout en s'appuyant sciemment sur des données qu’ils savaient fausses !

Pas de souci, dès le 21 mars, ils rajoutent un lien de plus vers leur article diffamatoire prétendant que je racontais n’importe quoi sur Fabius, alors que je citais correctement Le Monde

Cette façon de faire est évidemment extrêmement préjudiciable, surtout venant d’un journal comme Le Monde.

Passons même sur le fait qu’ils n’ont rien de sérieux à se mettre sous la dent. On voit que leur but est finalement de faire une sorte d’annuaire recensant d’éventuelles erreurs pour justifier a posteriori leur jugement. On se doute que dans 4 ou 5 ans, le casier judiciaire sera copieux, et servira à justifier qu’on n’aille pas sur tel ou tel site – voire même à le classer en rouge. Même si le pauvre blog n’aura fait que 10 erreurs sur 3000 articles, peu importe. Tout ceci est discrétionnaire et sans appel.

Enfin, on note bien qu’à aucun moment ils ne complètent la fiche du Monde avec les grossières erreurs que ce journal commet.

Bref, les Décodeurs : une certaine idée de l’éthique…

VI. Des conséquences dangereuses pour la liberté d’expression

On mesure à ce stade l’étendue des problèmes que le Décodex peut poser en terme de dommage à la réputation, et donc d’atteinte à la liberté d’expression. Et ce à cause d’un journal ayant une telle notoriété dans le pays – qui reste écrasante quoi qu’on en dise (il y a 60 millions de visites par mois sur ce site) : cela devient pour la plupart des gens la Vérité.

Et ainsi, quand on est classé “rouge”, et qu’on n’est pas anonyme, il est clair qu’il est impossible de conserver une vie sociale normale : conserver son job ou en trouver un nouveau, ne pas avoir de souci dans ses interactions sociales (merci Google) – et je ne parle même pas d’être invité dans un média ou de songer à publier un livre.

 

Mais hélas, en France, au niveau de la liberté d’expression, on est très croyant, mais très peu pratiquant…

 

Face à ce problème, la réponse de Samuel Laurent est toujours la même :

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“Personne ne vous oblige à l’utiliser”. Ce qui est vrai.

Mais il parle ici de son extension Chrome. Or, comme on l’a dit, le Décodex c’est surtout une simple liste infamante – dans laquelle il ne vaut donc mieux pas se trouver.

Ceci revient un peu à dire à Galilée qu’il n’a pas à se plaindre de figurer dans l’Index de l’Église catholique, puisqu’il lui suffit de ne pas acheter ou lire cet Index… Évidemment, le problème n’est pas là.

Le problème est qu’un tel classement puisse servir de point d’appui à toute personne en désaccord avec la personne mise à l’Index, pour la discréditer elle et ses idées sans avoir à les discuter – facile…

Ça commence par des particuliers sur Facebook… :

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… et ça finit par l’équipe officielle de campagne de Macron – mécontente que j’ose poser des questions sur le patrimoine de son champion :

C’est d’ailleurs probablement la raison pour laquelle Le Monde veut tant investir l’éducation nationale, pour formater au plus tôt les adolescents (Sources :  ici et )

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VII. Quelques propositions en guise de conclusion

Ainsi, en conclusion, il semble bien que pour éviter que des rumeurs délirantes ne se développent, le point central doit être non pas de cibler au coup par coup des sites “erronés”, mais simplement de redonner à la masse de la population confiance dans les grands médias :

Note : il s’agir en fait d’abord d’un conformisme social “de classe”, avant d’être de la pure pression… (Source)

Cela devrait être une préoccupation centrale.

La profession devrait donc réfléchir et apporter à mon sens des réponses solides à ce genre de questions :

  • de grands médias peuvent-ils être la propriété de milliardaires ? (je le mets en premier, car ça revient tout le temps, mais c’est un problème très accessoire, cela se saurait si ça se passait mieux sur la radio publique…)
  • un journal comme le Monde est-il une société classique, ou exerce-t-il une mission de service public ? Quelles conséquences dans ce second cas ?
  • doit-il y avoir une partie “Du pouvoir informatif” dans la Constitution, l’organisant ? (étrange qu’on oublie toujours ce pouvoir fondamental – Montesquieu ne pouvait pas le décrire à l’époque…)
  • un grand média peut-il être une société à but lucratif ?
  • les journalistes doivent-ils être soumis à une charte éthique obligatoire, et sanctionnés en cas de non-respect ? (sanctions professionnelles bien sûr, pas par la justice… Genre blâme voire perte de la carte de presse)
  • faut-il distinguer clairement la mission visant à rapporter les faits, relevant d’un journaliste (profession garantie par une carte de presse), de celle de l’opinion, relevant d’un éditorialiste (sans carte de presse, on ne mélange pas les genres, on ne mélange pas la communication des faits -régulée- de l’opinion -libre-) ?
  • un particulier doit-il pouvoir se plaindre s’il estime qu’un journaliste n’a pas respecté la charte éthique ?
  • une structure éthique externe doit-elle pouvoir veiller aux pratiques d’un média, au respect de la bonne présentation des faits principaux, et au respect d’un pluralisme minimal – surtout s’il bénéficie de subventions publiques ?
  • un grand média, subventionné, peut-il choisir comme bon lui semble les experts auxquels il fait appel ? (c’est-à-dire peut-il refuser, à la longue, que certains experts de qualité interviennent chez lui ?) Le public devrait-il pouvoir se plaindre du manque de pluralisme dans le choix desdits experts ?

Pour notre part, nous soumettons au débat quelques propositions qui seraient susceptibles, selon nous, d’améliorer l’information du public, base de la Démocratie :

  • Rendre obligatoire la Charte d'éthique professionnelle des journalistes adossée à la Commission de la carte d'identité des journalistes professionnels (CCIJP) ;
  • Créer une Haute autorité du pluralisme et de la déontologie journalistique, composée de journalistes et de représentants de la société, chargée de faire appliquer la Charte et de veiller à un pluralisme minimal de l’information et à sa qualité, contrepartie des aides publiques. Elle devrait bien entendu disposer de pouvoirs de sanctions ;
  • Reconnaître juridiquement l’équipe rédactionnelle, susceptible de s’opposer à toute tentative d’intervention de l’actionnaire ou de toutes autres pressions sur l’information ;
  • “Coopérativiser” dès lors les plus grands médias, qui devraient être la propriété collective des salariés, avec des aides publiques en conséquence ;
  • Ne faudrait-il pas bien différencier les journalistes (astreints à la Charte) traitant l’information des éditorialistes, fournissant des opinions ?

VIII. Et comme le dit Edward Snowden…

« Le problème des “Fake News” (fausses nouvelles) ne se résout pas en espérant faire intervenir un arbitre, mais plutôt parce que nous, en tant que participants, en tant que citoyens, en tant qu’utilisateurs de ces services, nous nous aidons mutuellement.

La réponse aux fausses informations, ce n’est pas la censure. La réponse aux fausses informations, c’est plus d’informations, discutées en commun.

Trop de gens dépendent d'une seule source, comme Facebook, pour s'informer. Lorsque vous allez sur votre page Facebook, c’est Facebook qui décide quelles nouvelles vous voyez sur votre page. Ils créent plus de silence qu’ils ne créent d'informations.

Vous comprenez à quel point il est dangereux qu'une entreprise puisse avoir assez de pouvoir pour remodeler notre façon de penser.

Nous devons mettre en pratique et répandre l’idée que la pensée critique est aujourd’hui plus importante que jamais, étant donné que les mensonges semblent devenir très populaires. » [Edward Snowden, Newsweek, Periscope,  Youtube et The Independant – 11/2016]

 

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samuel-laurent

==> Ben, il y avait peut-être une bonne raison !

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